Le « 1000 du Sud » est inscrit à mon programme depuis le début de cette année.
Malgré la fracture de mon épaule cette épreuve a toujours été dans mes objectifs. Seule grosse différence, alors que ce 1000 kilomètres aurait dû être le point final de ma saison il n’en est qu’un des premiers maillons.
Mon nombre de « sorties vélo » au moment du départ se monte à huit : six sorties de moins de 50 kilomètres (pour accompagner des diagonalistes), le BRM 600 de Brest du 26 juin et le BRM 1000 d’Auffay du 23 août…
Au total, 1900 Km !…
Ce qui a tout de suite attiré mon attention sur ce brevet c’est sa spécificité. Ce n’est pas un brevet de 1000 kilomètres comme les autres. C’est une épreuve appelée à devenir mythique. Une épreuve qui manquait encore en France.
L’itinéraire n’est pas banal, arrière Provence, Ardèche, Vercors, Hautes-Alpes… autant de régions magnifiques évoquant pour moi de nombreux souvenirs.
Bref, je voulais absolument y être. Avant tout pour le parcours. J’ai déjà un 1000 en poche. Cela dit, valider celui-ci serait un plus, surtout pour sa première édition…
La Garde (83130 – 8 Km à l’est de Toulon) étant diamétralement opposé à Brest sur l’hexagone, je fais une première grosse étape le 9 septembre pour rejoindre Jonquerettes (près d’Avignon) ce qui me permet de revoir avec plaisir de la famille géographiquement bien éloignée…
Le 10 septembre, déjeuner avec vue sur le Ventoux :
Pour la nuit avant le départ j’ai réservé à l’hôtel Kyriad de La Garde. J’y retrouve un certain nombre d’autres participants :
De gauche à droite sur la photo : Xavier, Jean-François, Sophie qui est à l’origine de ce formidable parcours et Joseph venu de San Francisco exprès pour ce brevet !
Sophie (Voir absolument son blog : Rando Spirit) nous offre à chacun un T-Shirt aux couleurs du « 1000 du Sud ». Elle l’a payé de sa poche mais ne veut rien savoir, pas moyen de participer. Merci encore Sophie.
(Le logo du « 1000 du Sud » représenté sur le T-Shirt est une création de Sophie !)
Le soir nous nous retrouvons un certain nombre à partager un repas spécialement concocté pour nous à l’hôtel (essentiellement des spaghettis, volaille, fromage blanc).
Sur la photo, de gauche à droite : Jeff, Jean-François, Jean-Philippe, Xavier, Sophie, Joseph.
Sur la photo : à droite Pascal et moi à Gauche.
Samedi 11 septembre 2010, jour J
Déjà au petit-déjeuner, le set de table en papier nous pose une bonne question :
L’hôtel n’est pas loin du départ. En quelques coups de pédales nous y sommes. En étant pré-inscrits par internet les formalités sont vite réglées : 3 € de participation !
07h00 : le départ !
Durant les premiers kilomètres il fait encore frais : 9°. Mais cela ne va pas durer…
Une fois sortis de La Garde nous rejoignons la Provence par des petites routes tranquilles :
Sur la photo ci-dessus, Sophie en conversation avec Jean-Philippe. Jean-François sur son « vélo horizontal ».
(Jean-Philippe et Joseph de San-Francisco)
À Cadenet (Km 115) nous effectuons une pause ravitaillement. Avec cette chaleur il est nécessaire de refaire le plein des bidons. Il est également important de s’alimenter régulièrement.
Le col du Pointu (Jean-François me prend en photo…) :
… superbe vue sur le Ventoux :
Dans la descente je suis rattrapé par les trois participants en « vélo couché » :
L’arrivée à Murs, notre premier contrôle :
Le petit village de Murs, Km 153. Le pointage s’effectue au bar de l’hôtel-restaurant Le Crillon. L’occasion de boire deux grandes menthe à l’eau bien fraîches.
Mais il faut quitter l’ombre protectrice des vieilles pierres. Je n’en suis pas encore à la moitié de mon objectif du jour : Aubenas (Km 328)…
En arrivant à Mazan (Km 177), encore une belle vue sur le Ventoux :
Vaison-la-Romaine, notre deuxième contrôle, Km 203. L’occasion de s’alimenter à nouveau.
La tenue est débraillée mais il faut bien évacuer la chaleur !
En passant à Mondragon (Km 239), un peu avant 20h00, il faisait encore 28,5°…
En cette saison le soleil se couche tôt. Voici la dernière photo du jour :
Du fait de la chaleur qui m’a obligé à plus d’arrêts et/ou des arrêts plus longs que prévu j’ai une bonne heure de retard sur mon programme. C’est donc de nuit que je vais franchir les gorges de l’Ardèche.
Je profite du troisième contrôle, Vallon-Pont-d’Arc (Km 294), pour prendre un thé et m’habiller plus chaudement. En effet, les nuits sont fraîches et humides.
Encore 34 kilomètres et me voilà enfin à l’Etap-Hôtel d’Aubenas où j’ai réservé une chambre.
Dimanche 12 septembre 2010, deuxième étape
Dans mon plan de route j’avais prévu de repartir d’Aubenas à 05h00. Arrivé plus tard qu’escompté à l’hôtel, j’ai décidé de repousser mon départ pour tenir compte de la fatigue du premier jour. Ainsi c’est à 05h00 que j’ai mis le réveil, pour un départ 45 bonnes minutes plus tard (le temps de prendre une douche pour me réveiller, de tout remballer, de m’équiper pour la fin de nuit, etc…)
Aubenas est à 280 m d’altitude, il va falloir s’élever pour passer le col d’Auriolles (495 m) et surtout le col de l’Escrinet (787 m) avant de redescendre sur Privas.
Dans l’ascension du col de l’Escrinet, alors que le jour n’est pas encore levé, vacarme devant moi : un énorme sanglier traverse la route et part se réfugier dans le talus de l’autre côté. Assez impressionnant ! L’appareil photo était encore dans le sac du fait de la nuit, je n’ai pas d’image de la bête. Mais un article paru dans le Monde du 16 septembre semble indiquer qu’il va falloir s’habituer à se genre de rencontre…
Sitôt le col passé je fonce sur La Voulte-sur-Rhône, quatrième contrôle (Km 376) heureusement situé à 96 m d’altitude. Ça descend donc !
À la Voulte je trouve un café dont la terrasse jouxte judicieusement une boulangerie. L’occasion de faire tamponner ma carte tout en prenant un bon « petit »-déjeuner !
Ce moment agréable est aussi l’occasion d’intenses cogitations. Je n’ai validé ce contrôle qu’avec 3 minutes d’avance… La difficulté est de rejoindre Briançon (Km 647) en restant dans les temps. En chemin un certain nombre de cols nous attendent (dont le Lautaret, 2057 m). Après Briançon les contrôles intermédiaires sont basés sur une moyenne inférieure et, normalement, le plus dur est passé. Seulement je me sens bien fatigué. Manque de sommeil (la nuit avant le départ n’a pas été terrible) et la chaleur de la veille m’a bien « séché ».
Que faire ? Continuer sans tenir compte des délais, couper le circuit pour aller de Die à Digne sans passer par Vizille, Lautaret, Briançon ? Ce qui est une façon d’abandonner…
Je cogite en enchaînant les grands cafés et les croissants, me laissant aller au plaisir de ce petit-déjeuner sur une terrasse ensoleillée lorsque arrivent Jean-Philippe et « Joseph le Californien ».
Nous repartons tous les trois ensemble, direction Die.
En arrivant à Die, Jean-Philippe s’arrête net devant une cave de dégustation de Clairette ! Il veut faire goûter celle-ci à Joseph qui ne connait pas. Un bon moment de convivialité !
A Die nous faisons une pause dans un café, histoire de nous désaltérer, de refaire le plein des gourdes en eau fraîche et de déguster un bon cornet de glace !
Cet arrêt rafraîchissant m’aura fait du bien. En arrivant je ne rêvais que d’aller me coucher !
Puis c’est le départ pour l’ascension du col de Grimone…
En voyant le panneau indiquant que le col de Grimone est ouvert, je dis en plaisantant à Jean-Philippe : « dommage ! »
Le passage, superbe, des gorges du Gats :
Au kilomètre 462 nous arrivons à Glandage (858 m)…
Et l’aventure continue, en direction du col de Grimone…
… que nous finissons enfin par atteindre :
Puis le col de la Croix Haute (après être redescendu à 1000 m), où notre trio est rejoint par Jean-François, seul rescapé des vélo-couchés :
On poursuit en direction de Mens, cinquième contrôle.
Le passage du col du Banchet (900 m) :
Et enfin, Mens (Km 499, altitude 775 m), cinquième contrôle :
Là encore, ce contrôle est l’occasion d’un intense debriefing. Il est prévu qu’Isabelle, la compagne de Jean-Philippe nous ravitaille à Vizille (contrôle suivant – le règlement n’autorise une éventuelle assistance extérieure que lors des contrôles).
Joseph décide d’abandonner et de prendre le train à Grenoble pour rentrer à Toulon. Jean-Philippe et Jean-François veulent tenter l’ascension du Lautaret de nuit pour arriver coûte que coûte à Briançon.
J’ai envie de continuer mais me demande comment je vais pouvoir grimper là-haut ce soir sachant que je tombe de sommeil…
Finalement nous repartons tous les quatre. Isabelle va venir à notre rencontre pour « récupérer » Joseph puis ira nous attendre à Vizille pour le ravitaillement prévu. Joseph dormira ce soir à Grenoble et prendra le train pour Toulon demain.
En arrivant à La Mure je me dis qu’il n’est pas raisonnable de continuer à rouler de nuit en étant aussi fatigué. Par chance, au moment de sortir de la ville je vois une pancarte providentielle sur une façade :
Le temps de trouver l’entrée, Jean-François qui était derrière moi arrive. Je l’informe de ma décision de dormir là. J’envoie un sms à Jean-Philippe parti devant « Désolé JP de te lâcher comme ça mais je n’en peux plus. Je suis en chambre d’hôtes à La Mure. Il y a un car pour Gap ».
La jeune femme qui tient la chambre d’hôtes accepte de me préparer un plateau repas, accompagné d’une Pelforth brune…
Après une bonne douche, le lit confortable sera vraiment réparateur.
Alors que la veille au soir j’avais demandé jusqu’à quelle heure on pouvait déjeuner, je suis réveillé bien plus tôt, en forme, et commence à trépigner car du coup, je suis le seul debout !
Je prends une bonne douche, prépare mes affaires, ma décision est prise : je continue ! Je suis venu pour un parcours extraordinaire, et là je n’ai pas été volé ! Autant l’idée de gravir le Lautaret (70 Km d’ascension de nuit) et de redescendre tombant de sommeil sur Briançon me rebutait la veille au soir, autant maintenant j’ai hâte de profiter de ces paysages de jour.
J’envoie un sms à Jean-Philippe « Après une nuit à La Mure, je continue ! Au moins je verrai le Lautaret de jour ! HD mais heureux ! Bonne réussite à toi !!!! Roland »
En retour, Jean-Philippe m’annonce « super mais ai arrêté à Vizille. Bonne route ».
J’apprendrai que Jean-François a continué seul après Vizille, qu’il a réussi a atteindre Briançon malgré la fatigue et le sommeil, pour finalement abandonner.
Je me félicite d’avoir retenu la leçon de l’an dernier lorsque je m’étais lancé de nuit dans l’ascension du col de la République où j’avais fini par rester cloué par un violent orage. Je m’étais dis « ne jamais prendre le risque de devoir dormir en pleine montagne. Plutôt dormir quelques heures dans un lit et n’attaquer l’ascension qu’une fois un tant soit peu reposé ».
Pour l’instant je profite d’un bon petit-déjeuner :
31 kilomètres plus loin me voilà à Vizille, 6ème contrôle (Km 549, altitude 279 m) :
Il nous était conseillé de pointer notre carte chez « Lili Croustille » boulangerie ouverte même le dimanche, et judicieusement placée sur notre route. Inutile d’aller se perdre en centre-ville. Je profite également du contrôle pour me charger de victuailles : sandwich corse, jambon-beurre et quiche lorraine. Une virée gastronomique. Coca pour l’exotisme !
Je garde le jambon-beurre pour un peu plus tard.
Enfin, pas trop. Je le mange à Bourg-d’Oisans (Km 581, altitude 720 m)
Alors que je continue de monter direction le barrage du Chambon (mais non, pas du Jambon, du Chambon !!!) je double un cyclo équipé d’une sacoche et qui a l’air plutôt cuit (comme moi sûrement). Au moment de le dépasser je lui pose la question fatidique : « tu es du 1000 ? ».
« Oui », me répond-il, « je continue pour le fun ! ».
Super ! Nous sommes encore au moins deux à nous accrocher…
Peu après c’est le barrage du Chambon (altitude 1044 m)…
Ah la couleur des lacs de montagne :
Et l’ascension continue.
Et, enfin, le Lautaret :
Le Lautaret est un carrefour. Ici arrive également la route qui redescend du Galibier :
En 1985 (p***** 25 ans !) lors de mon tour de France j’étais arrivé par là (col du Télégraphe, du Galibier, Briançon, l’Isoard…).
Bon, continuons ! La nostalgie de demain est devant nous !
Quel bonheur de descendre jusqu’à Briançon :
Briançon (Km 647, altitude 1265 m), contrôle n°7.
Je fais tamponner ma carte et en profite pour manger un croque-monsieur.
Mon intention, maintenant que le programme est tout chamboulé est d’atteindre Embrun (Km 696) et d’y dormir.
Les cinquante kilomètres que cela représente sont rapidement parcourus. En entrant dans la ville j’aperçois un hôtel-restaurant, je m’y présente. Pas de problème pour obtenir une chambre avec douche et WC, d’y monter mon vélo et le cuistot qui s’apprêtait à plier boutique accepte de me préparer un plat du jour ! Et en plus il y a de la Leffe à la pression ! Vive l’aventure !
Du coup, je complète avec un petit dessert…
Mardi 14 septembre 2010
Le réveil est calé pour un départ d’Embrun à 05h00.
Je commets l’erreur de partir un peu trop légèrement vêtu. Embrun est à 869 m d’altitude et les 100 prochains kilomètres oscillent entre 900 et 1300 m. Et les nuits en montagne sont fraîches et humides.
Je fini par m’arrêter au bout d’une trentaine de kilomètres pour enfiler chaussettes de laine, veste et gants.
En arrivant au col Saint Jean (1333 m) un café semble ouvert. Je m’arrête pour deux grands cafés accompagnés de brioches tirées de mon sac. Quelles chance ! Je n’espérais pas pourvoir trouver un bistrot ouvert si tôt en montagne.
La route pour Digne-les-Bains nous fait franchir encore d’autres cols :
Puis c’est la descente sur Digne (Km 791, altitude 600 m).
Je profite de la ville pour un ravitaillement rapide et me changer car maintenant il fait très chaud et la route va remonter.
Le col de l’Orme, Km 800 :
J’arrive enfin à Saint-André-les-Alpes, 8ème contrôle (Km 833, altitude 889 m).
J’étais passé à St-André l’an dernier lors de mes diagonales Brest-Menton et Menton-Brest. C’était même un point de contrôle lors de cette dernière.
Je vais donc droit vers la terrasse du café où je m’étais arrêté l’an dernier. Mais en un an tout a changé… le type sympa est remplacé par une bonne femme : « non, il n’y a rien à manger », « non, je n’ai pas de tampon », « oui, mais non, on a changé de gérant ».
Dans ce cas je vais voir à la pizzeria à côté.
Je valide mon contrôle et du coup commande une pizza « Moriez » (le nom du village 4 Km avant St-André), pizza mexicaine !!!
Et une grande bouteille d’eau minérale gazeuse. « Une grande bouteille, vous êtes sûr ? », « Ne vous inquiétez pas, ça ne me fait pas peur ». Rire de la dame à la table d’à côté.
Je repars pour le barrage de Castillon. La couleur du Verdon est toujours aussi extraordinaire :
Le barrage de Castillon :
Une inscription sur le barrage qui pourrait très bien s’appliquer au cyclisme sur longues distances :
Maintenant je file sur le 9ème et dernier contrôle intermédiaire.
Ponts-de-Soleils, Km 866, altitude 652 m :
J’arrive à Carcès (Km 948, altitude 131 m), 9ème et dernier contrôle avant l’arrivée.
À Carcès il y a de très jolies façades peintes. Mais les photographier de nuit au flash, ca ne leur rend pas justice. Il vous faudra donc attendre la prochaine édition pour les voir en photo sur ce site !
La partie Carcès – La Garde est la seule que j’aurais finalement trouvé interminable. Il fait nuit noire. Carcès est à 131 m et La Garde à 35 m et pourtant je n’en fini pas d’osciller autour des 200 m d’altitude. Mais quand vais-je enfin descendre ?
Bon, tout a une fin, et me voilà enfin devant la boîte aux lettres du « Triple Plateau Gardéen », club organisateur.
Même si j’ai dépassé le délai accordé je remets tout de même ma carte. Je n’ai pas abandonné, j’ai suivi l’intégralité du parcours prévu. Je suis arrivé avant minuit (de peur que mon vélo ne se transforme en citrouille !).
Bilan personnel
Cette épreuve est certes exigeante physiquement, mais nous le savions avant le départ. On ne part pas pour un parcours de 1005 Km de montagne en s’imaginant que « ça va être du gâteau ».
Le parcours est vraiment magnifique. Je m’en suis mis « plein les mirettes ».
Je n’ai pas tenu le délai des 75 heures mais j’ai du mal à être déçu lorsque je me revois à l’hôpital en avril, sous morphine, après mon opération de l’épaule.
Je suis rentré à Brest le 16 septembre au soir. Le 17 j’avais une nième séance de rééducation à l’hôpital. « De toute façon, dites vous que vous en avez encore pour un an avant de retrouver une mobilité normale de l’épaule » me dira la kiné…
J’ai connu une « surchauffe » des tendons des genoux sur la fin mais quelques jours après l’arrivée tout va bien. Heureusement, car le 26 septembre prochain je pars pour 3100 Km : Brest-Strasbourg, Strasbourg-Perpignan, Perpignan-Brest…
Sophie Matter annonce que la deuxième édition du « 1000 du Sud » aura lieu l’an prochain du 15 au 18 septembre 2011 au départ de Carcès.
Pour septembre 2011 j’ai déjà un projet bien précis… mais plus j’y pense plus celui-ci me semble compatible avec une participation à la deuxième édition du « 1000 du Sud »…
Le récit (en anglais) de Joseph, Randonneur de San Francisco
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