12 Juin2018
 

DraisienneAu travers d’une série d’articles je vous ai raconté l’histoire de l’invention de la draisienne :

Évolution du Vélocipède vers le « Vélocipède à pédale »

La draisienne a connu un engouement certain dès ses débuts. C’était l’engin « hyper-branché » de l’époque…

1818 : Course de vélocipèdes, jardin du Luxembourg

1818 : Course de vélocipèdes, jardin du Luxembourg – Paris

Puis… elle a fini par être enterrée par deux innovations majeures :

  • l’invention des pédales (Pierre Michaux, 1860)
    d’abord de simples « manivelles » montées sur l’axe de la roue avant.
    Ce rapport 1/1 (un tour de manivelle = un tour de roue) a conduit à l’augmentation démesurée de la roue avant, c’est à dire au « grand-bi ».
  • la transmission par chaîne (John K. Starley, 1884 : « bicyclette de sécurité » )
    grâce à celle-ci la roue arrière a pu devenir motrice (séparant ainsi propulsion et direction) et la roue avant retrouver une taille raisonnable !
    En n’étant plus assis perché très en avant, le cycliste évitait de « faire un soleil » (passer par dessus le guidon). D’où le nom de « bicyclette de sécurité » (Safety bicycle).
Grand bi et bicyclette de sécurité

« Grand Bi » et « Bicyclette de sécurité » de Starley

Ce nouvel engin pourvu de ces deux innovations fondamentales a naturellement été nommé « vélocipède à pédale », puis vélo tout court.

Et la draisienne est tombée en totale désuétude…

Il y aurait beaucoup à raconter sur le passage de la draisienne au vélo tel que nous le connaissons…
Mais mon intention n’est pas de vous refaire toute l’histoire du vélo.
Du moins pas pour l’instant !

Restons sur la draisienne !

La draisienne « historique » a disparu beaucoup trop tôt dans l’histoire.
S’il existe de nombreuses illustrations de l’engin et de ses pratiquants, on ne connait pas de photographies ou films d’époque. Même sur la fin de celle-ci.

Cependant la draisienne a connu quelques résurgences dans différentes situations…

1923 : « Our Hospitality », un film de (et avec) Buster Keaton

Pour ce film muet de 1923 Buster Keaton a fait reproduire une draisienne selon des plans d’époque.

Buster Keaton – « Our Hospitality » – 1923
Buster Keaton - Our Hospitality - 1923
Buster Keaton - Our Hospitality - 1923

Buster Keaton – « Our Hospitality » – 1923

Buster Keaton - Our Hospitality - 1923

Buster Keaton – « Our Hospitality » – Extrait

1949 : Le tour de France en draisienne d’Othon PLAUTZ

En 1949, Othon Plautz, marchand de cycle à Strasbourg, entreprend un tour de France sur une copie exacte de draisienne de 1817.

Voici comment Plautz expliquait à un journaliste qui l’interrogeait comment il décida de se lancer dans ce périple :
« C’était dans un restaurant de Strasbourg lors du passage du Tour de France cycliste, quand le restaurateur dit :
– Pas un Alsacien n’est capable de faire partie des coureurs du Tour de France.
C’est alors que je me lève et lui réponds :
– Je le ferai le Tour de France, même en draisienne s’il le faut. »

On le prit au mot et le restaurateur de lui répondre :
« Mon cher Othon je crois que tu es un peu fou et tu exagères. Pour un tel exploit je te fais le pari d’un million si tu arrives à faire le tour de France sur une draisienne. »

Plautz est parti de Strasbourg le 14 septembre 1949.
Il disposait de 10 mois pour boucler son tour.
Il faisait en moyenne 50 kilomètres par jour.

Il était suivi en vélocar (voiture à pédale) par son contrôleur et manager.

Othon PLAUTZ

1949 : Le tour de France en draisienne d'Othon PLAUTZ

1949 : Le tour de France d’Othon PLAUTZ
Archives Gaumont Pathé

1997 : Le retour de la draisienne… pour les enfants

Alors que la draisienne avait totalement disparu de la circulation, la société allemande Kokua lance en 1997 un modèle spécialement conçu pour les jeunes enfants.

Depuis l’idée a largement été reprise par de nombreuses sociétés.
Commencer par la draisienne est en effet particulièrement judicieux.
À tout juste deux ans, un enfant peut sans problème se déplacer sur cet engin.
Plus facilement même qu’en marchant.
Ce faisant il va progressivement et sans effort acquérir l’équilibre sur deux roues.
Quelques mois plus tard il n’aura aucun mal à passer au « vrai » vélo.

Commencer par un vélo doté de « petites roues » (ou « roulettes ») latérales est particulièrement stupide.
C’est apprendre à pédaler (ce qui est très simple) sans avoir l’équilibre.
Le jour où l’on enlève les petites roues… le plus dur reste à faire.

Commencer par la draisienne permet de faire les choses dans l’ordre.

Remarquons que « draisienne » se dit « balance bike » en anglais. Soit « vélo d’équilibre »…

Draisienne Kokua

Draisienne « LikeABike » pour enfants – Société Kokua (Allemagne)

2017, le bicentenaire : Nancy – Karlsruhe en draisienne

Pour fêter le bicentenaire de la draisienne, une bande de joyeux drilles a effectué le parcours Nancy – Karlsruhe sur des répliques de draisiennes et en costumes d’époque.
(Nancy est la ville française jumelée avec Karlsruhe).

Nancy - Karlsruhe en draisienne : bicentenaire 1817 - 2017

Nancy – Karlsruhe en draisienne : bicentenaire 1817 – 2017

À suivre !

Notez toutefois que cet article est publié exactement 201 ans après le premier trajet en « Laufmaschine » de Karl Friedrich Drais (le 12 juin 1817) !

Draisienne : pièce commémorative de 20 euros

05 Fév2018
 

Après avoir inventé et perfectionné au cours de 1817 sa « Laufmaschine », Karl Friedrich DRAIS dépose, à Paris, le 19 janvier 1818, une demande de brevet d’importation.

DRAIS ne pouvant se rendre lui-même à Paris, il avait envoyé un serviteur.
Cet homme ne parlait pas parfaitement français et l’employé du bureau des brevets ne comprenait pas un mot d’allemand…
« Serviteur » se dit « Diener » en allemand et se prononce comme « dineur ».
La demande de brevet d’importation fut donc rédigée au nom du « Sieur Dineur » !

DRAIS appelle désormais sa machine « Vélocipède ».

Dans sa séance du 5 février 1818 (il y a exactement 200 ans ce jour !), le Comité consultatif des arts et Manufactures accepte de délivrer le brevet d’importation (la demande est faite pour cinq ans).

Demande de brevet d’importation pour cinq ans du Vélocipède
Demande de brevet d'importation du velocipede Demande de brevet d'importation du velocipede
Demande de brevet d'importation du velocipede




Les pages de description du Vélocipède et de son utilisation sont détaillées ici.

19 Jan2018
 

En 2017 je vous racontais les conséquences inattendues d’une explosion volcanique.

Après avoir inventé et perfectionné sa « Laufmaschine » (de l’allemand « Laufen », « courir »), Karl Friedrich DRAIS envoie un émissaire à Paris pour déposer auprès du Directoire des brevets (ancêtre de l’INPI – Institut National de la Propriété Industrielle) une demande de brevet d’importation.

Dans sa demande, DRAIS nomme lui-même sa machine : « vélocipède ».

Cette demande a été déposée le 19 janvier 1818, il y a exactement 200 ans aujourd’hui !

Dans ce document, description, particularités, avantages et maniement du vélocipède sont énumérés et décrits.

Demande de brevet d’importation (pour cinq ans) du vélocipède :




Le document original étant difficile à lire, je l’ai retranscrit ci-dessous.

Anecdote plaisante : DRAIS ne pouvant se rendre lui-même à Paris, il avait envoyé un serviteur.
Cet homme ne parlait pas parfaitement français et l’employé du bureau des brevets ne comprenait pas un mot d’allemand…
« Serviteur » se dit « Diener » en allemand et se prononce comme « dineur ».
La demande de brevet d’importation fut donc rédigée au nom du « Sieur Dineur » !

Demande d'importation du Vélocipède

Le Sieur Dineur demande un brevet d’importation de 5 ans, pour une machine appelée Vélocipède

I] Description d’une machine appelée Vélocipède

Description d’une machine appelée Vélocipède

II] Maniement du vélocipède

Maniement du vélocipède

III] Observations

Observations

IV] Description des parties du vélocipède d’après la gravure

Description des parties du vélocipède

Gravure descriptive du Vélocipède

29 Déc2017
 

Faites le test, posez la question « Tu sais ce que c’est que le Tambora ? »

Il y a de fortes chances pour que votre interlocuteur n’en ait pas la moindre idée…

Vous non plus ?
Ouvrez un dictionnaire des noms propres… Quoi, « Tambora » n’y est pas non plus ?

Et pourtant, « Etna », « Vésuve », « Pinatubo », « Krakatau / Krakatoa » y sont eux, dans les dictionnaires et dans les connaissances générales de beaucoup.
Et pourtant ces volcans passeraient presque pour d’aimables bombinettes comparés à la dernière explosion en date du Tambora…

1815 :

  • États-Unis d’Amérique :
    Les États-Unis sont une toute jeune nation qui fêtera les 39 ans de son indépendance le 4 juillet.
    Cette année là, les USA ne comptent encore que 18 états et sont loin du rang de superpuissance auquel ils accéderont au XXè siècle.
  • Drapeau des États-Unis du 1er mai 1795 au 3 juillet 1818 (15 étoiles et 15 bandes)

    Drapeau des États-Unis du 1er mai 1795 au 3 juillet 1818

  • Europe :
    La préoccupation de l’Europe s’appelle… Napoléon !

    • le 26 février Napoléon quitte l’île d’Elbe où il est en exil depuis le 4 mai 1814;
    • le 1er mars il débarque à Golfe-Juan (près de Cannes). C’est le début des « Cent-jours »;
    • le 20 mars il entre triomphalement dans Paris;
    • le 17 avril il s’installe au palais de l’Élysée;
    • le 25 avril les Alliés prennent l’engagement de ne pas déposer les armes avant d’avoir abattu Napoléon;
    • le 15 juin l’armée française franchit la Sambre. La campagne de Belgique débute par une victoire sur les Prussiens (à Gilly, près de Charleroi);
    • le 18 juin bataille de Waterloo.
  • Cambronne à Waterloo, tableau d'Armand Dumaresq

    « Cambronne à Waterloo » d’Armand Dumaresq (Exposition Universelle de Paris – 1867)

  • Indes orientales néerlandaises (actuelle Indonésie), sur l’île de Sumbawa, à l’est de Java…
    Carte des Indes orientales néerlandaises

    Carte des Indes orientales néerlandaises (actuelle Indonésie)

    • La côte nord de l’île de Sumbawa, la péninsule de Sanggar, est constituée quasiment entièrement par un stratovolcan (volcan de forme conique constitué de l’accumulation de coulées de lave), le Tambora
    • La plaque Australienne qui plonge sous la plaque Eurasienne produit depuis 4000 ans une inexorable mise sous pression du magma dans les profondeurs du volcan…
    • Le 5 avril 1815 une première éruption produit une colonne éruptive de 33 km de hauteur, alimentée par un débit de cendres estimé à 100 milles tonnes par seconde
    • Durant les jours qui suivent, l’éruption se poursuit de manière moins importante quoique probablement soutenue…
    • Le paroxysme de l’éruption a lieu le 10 avril. Le Tambora perd 1000 à 1500 mètres de hauteur ! La colonne de cendres atteint les 43 km d’altitude.
    • Les explosions ne cesseront complètement que le 15 avril.
    • Le 17 avril seulement les chutes de cendres cessèrent après s’être étendues jusqu’à 1 300 km de distance…

L’éruption du Tambora est considérée aujourd’hui comme la plus puissante éruption référencée dans l’époque historique.
Elle eut une puissance estimée à huit fois celle de l’éruption du Vésuve (en 79, destruction de Pompéi), soit plus de dix mille fois les explosions d’Hiroshima et de Nagasaki réunies

Alors, pourquoi « personne » n’en a entendu parler ?

  • Nous l’avons vu plus haut, l’occident (= l’Europe à l’époque) a d’autres préoccupations.
  • État des techniques en 1815 :
    • La photographie : la date retenue pour l’invention de la photographie est le 7 janvier 1839, jour de la présentation par Arago à l’Académie des sciences du « daguerréotype » de Louis Daguerre. Il n’y a donc pas de photographie possible en 1815…
    • Le télégraphe électrique : ne sera inventé que plus tard (1838, première ligne entre Londres et Birmingham. Première liaison transatlantique en 1866 entre l’Irlande et les États-Unis).
      Les premières liaisons radio n’apparaîtront qu’à la fin du XIXè siècle.
    • Le train : ne prendra son essor qu’après les années 1830.
  • Les connaissances scientifiques de l’époque ne permettaient pas de faire le lien avec les conséquences planétaires de cette éruption cataclysmique…
Vue satellite du Tambora en 2017

Vue satellite du Tambora en 2017

Les conséquences mondiales de l’éruption du Tambora :

Bien au delà des dévastations « locales » (pertes estimées à 90.000 personnes), l’éruption du Tambora a projeté dans la stratosphère une quantité de matière (cendres, soufre…) estimée à 100 millions de tonnes…
Ces aérosols ont fait plusieurs fois le tour de la Terre et ont mis plusieurs années à se dissiper…

En réduisant la quantité d’énergie solaire reçue par la Terre, ces matières en suspension dans la haute atmosphère allaient modifier le climat les années suivantes…

Ainsi, l’année 1816 est connue comme « l’année sans été ».

1816, « l’année sans été » :

  • Au États-Unis un brouillard sec est décrit dès le printemps et au cours de l’été 1816. Les couchers de soleil sont anormalement rouges, perturbations classiques de l’atmosphère par les microparticules qui diffusent et diffractent la lumière solaire. Un froid intense s’installe dès le mois de mai avec des gelées fréquentes. Des chutes de neige sont recensées au mois de juin dans le Maine et du côté de New York et en Pennsylvanie de la glace est observée sur les lacs en juillet et août. Les récoltes sont détruites avant même d’arriver à maturité dans plusieurs zones agricoles de la côte est (Massachusstets, New Jersey). En conséquence le prix des céréales explose : pour l’avoine il est multiplié par 7.
  • En Chine, le climat des 3 années suivant le paroxysme a été profondément impacté, avec en particulier, des températures anormalement basses (entre 2 et 3°C sous les normales de saison) en été et automne. Les récoltes de riz ont été calamiteuses et une famine de trois ans s’est installée dans la province du Yunnan. Dans ce qui est aujourd’hui la province d’Heilongjiang, des chutes de neiges ont été recensées en plein été. A Taiwan, des chutes de neiges anormalement abondantes se sont produites en hiver 1815-1816, avec de la glace couvrant les routes.
  • En Europe des températures bien en dessous des normales se mettent en place accompagnées de très fortes pluies qui détruisent des récoltes. Dans de nombreuses villes, des révoltes apparaissent à cause de la faim, du prix élevé des céréales (blé, avoine) et des pommes de terre.
    • Anomalie des températures en Europe, été 1816

      Anomalie des températures en Europe, été 1816

    • En Allemagne, les chevaux furent décimés, d’une part par manque de fourrage, et d’autre part dévorés par une population en proie à la famine (les pommes de terre ayant pourri avant d’arriver à maturité).
      À Heilbronn (240 km à l’Est-Nord-Est de Strasbourg) par exemple, on ne compta en 1816 que 29 jours sans précipitation en 8 mois…
      Le prix du pain (nourriture de base de la population) fut quasiment multiplié par cinq de janvier 1816 à juin 1817 :
      Prix d'un pain de 8 livres à Heilbronn 1816-1817

      Prix d’un pain de 8 livres à Heilbronn 1816-1817

Rappelons qu’à cette époque il n’y avait que deux façons de se déplacer : à pied ou à cheval. Cette dernière solution n’étant accessible qu’à la fraction la plus aisée de la population.

D’une part le manque de chevaux se faisait sentir (impact des guerres contre Napoléon puis de la famine de 1816-1817), d’autre part est-il raisonnable de nourrir des chevaux alors que la plupart des gens meurent de faim ?

Un ingénieur et sylviculteur allemand réfléchissait déjà depuis un certain temps sur le problème de la mobilité, sans l’aide de la traction animale.

Son nom ?
Karl Friedrich Christian Ludwig Freiherr DRAIS von Sauerbronn (Karl Friedrich DRAIS baron de Sauerbronn).

Karl Friedrich DRAIS

Jeudi 12 juin 1817 :

Ce jour là, Karl DRAIS partit de chez lui à Mannheim pour un trajet aller-retour d’environ 13 kilomètres sur le premier deux-roues de l’histoire !
Cette première version, dépourvue de frein, est appelée par DRAIS lui-même « Fahrmaschine » (ce que l’on pourrait traduire par « machine pour se déplacer »).

Gravure représentant Karl DRAIS à l'été 1817

Reproduction de la première gravure représentant Karl DRAIS à l’été 1817

Ce premier parcours est réalisé, malgré le poids de l’engin entièrement en bois, en une petite heure.
Soit bien plus vite qu’un piéton !

Dans les mois qui suivirent, DRAIS perfectionna son invention qu’il dota d’un frein et baptisa finalement : « Laufmaschine » (de « Laufen », « courir »).

En dehors du pédalier évidemment (la machine est propulsée par l’action directe des pieds sur le sol) tout le reste est là : deux roues l’une dernière l’autre, la frontale est directrice via un « gouvernail » (non donné à ce qui deviendra le guidon), une selle (comme pour les chevaux !) et même un porte-bagages derrière celle-ci !
Remarquez le support pour les avant-bras du « conducteur »… système qui reviendra bien plus tard… sur les guidons de triathlon !

Laufmaschine

Le premier « deux-roues à propulsion humaine », ou « vélocipède » (car mu par les pieds), l’ancêtre de nos vélos a donc eu deux cents ans cette année !

Et pourtant, qui en a parlé ?
Il y a eu des livres en allemand et en anglais. Rien en français !

2 roues - 200 ans : le baron DRAIS et l'histoire du vélo

« 2 roues – 200 ans » : le baron DRAIS et l’histoire du vélo

Le comble ?
C’est le Magazine 200 qui a raté une belle occasion, vu son nom !

J’avais prévu cet article pour l’été 2017 et puis… j’ai préféré différer !
Pourquoi ?
Je vous le dirai le moment venu !